11 artistes d’Allemagne « Proche Etranger »

Le voyage est le savoir, et le savoir le pouvoir. le pouvoir des artistes est à la base de leurs expériences.

LES ARTISTES MIGRATEURS.

Le modèle « Spitzweg » de l’artiste se limite à la chambre mansardée et compte les gouttes de pluie par la fenêtre inclinée. le modèle « Heimatmaler » parcourt le marais et la lande, son chevalet sous le bras et de l’eau dans sa gourde, pour pouvoir peindre en aquarelle ce que la nature lui offre. Des deux ressortent des versions modernes: l’artiste interactif, qui se contente du coin de la pièce pour pouvoir surfer à travers le monde. « Surfer » est un voyage virtuel. Et il y a le dessinateur de la ville qui, avec son crayon et son appareil photo, note pour l’éternité les altérations sur son lieu de résidence. Pourquoi errer dans le lointain ? Ces modèles sont partout dans le monde et ne sont nullement dépassés. Par une façon originale, telle que l’homme d’aujourd’hui comprend le présent, l’emploi de l’esthétique suffit à passer pour art moderne. Et en cas de passion pour une identité régionale, un portrait de la ville réveille l’enthousiasme. Pourtant le voyage est le savoir, et le savoir le pouvoir. le pouvoir des artistes est à la base de leurs expériences. les artistes sont toujours en voyage. Leurs biographies sont encore aujourd’hui les guides des plus importants lieux de culture, et les manifestations de progrès esthétiques. Pour les artistes grecs, la Crète et les colonies, y compris les parcours égyptiens, étaient des avantages intellectuels. Pour les sculpteurs romains et les architectes, l’Acropole était la Mecque de la construction des temples, avant que les conquérants rendent accessible tout le Proche-Orient. La grandeur des royaumes au Moyen-Age offrit aux artistes, et surtout à ceux qui purent trouver un mécène princier, assez de possibilités de voyages, documentés de styles architecturaux et de présentations plastiques de grandes églises, de cloîtres, de citadelles et de châteaux, survivants des époques révolutionnaires. le troubadour aurait eu un homologue parmi les artistes créateurs, jusqu’à ce que les corporations se chargent de l’ordre, qui établit ensuite des limites et une paralysie du mouvement culturel. Seules les petites et les grandes propriétés de la noblesse restèrent du goût du maître, des lieux chargés de conceptions esthétiques, jusqu’à ce que les villes riches commencent aussi à rivaliser entre elles pour l’ensemble des œuvres d’art architectoniques. Comme l’on ne parlait pas encore d’une identité nationale, les propriétaires des terres purent prendre part à cette compétition esthétique. À toutes les époques, le voyage de l’artiste fut aussi une condition pour gagner en qualité et pour assurer un style. Que serait-il advenu de Caravaggio, se serait-il seulement arrêté à Rome ? Sa fuite à travers l’Italie laissa aussi des traces esthétiques, comme le départ de Veit StoB de Nuremberg à Cracovie. Les voyages de formation d’innombrables artistes, comme Dürer en Italie et aux Pays Bas, l’étude des artistes scandinaves, polonais et russes à Munich, Dusseldorf, ou Paris à la fin du siècle dernier, sont les exemples d’une mobilité technique comme intellectuelle, qui avait eu une part fondamentale dans la naissance d’une culture européenne.

En premier lieu au 20ème siècle, le soi-disant siècle du progrès, les dictateurs commencèrent à combattre l’envie de voyager et à rendre les frontières des pays imperméables, et ceci aussi en réaction face aux démocraties. Assurément le voyageur particulier pouvait faire son expérience en Italie, également pendant l’époque nazie, et pouvait visiter lui-même les pays ennemis sous le déguisement de conteur de la guerre. Mais les grillages frontaliers devinrent des murs et il fut plus facile, pendant un certain temps de paix, de voler au-dessus du Grand Étang que de marcher 15 mètres sur la place de Potsdam.

Il y eut jusqu’en 1930 des gênes techniques pour voyager, et aussi à partir de cette date des difficultés politiques avec une culture-passeport à caractère de visa, qui sélectionnait de façon plus sévère et qui coûtait plus de temps qu’un voyage en fiacre au Moyen-Age à travers les Alpes. Quelle que soit la signification que les artistes donnent au voyage, il est facile de démontrer que, pendant la dernière période socio-politique, les artistes tournèrent durant des dizaines d’années uniquement autour du cercle des doctrines socialistes, et par conséquent, ne pouvaient ni poursuivre, ni comprendre l’évoolution de l’art dans d’autres lieux; à plus forte raison car ils pouvaient y participer. Et tout ceci avait été amené par les interdictions et les empêchements de voyager décidés par des bureaucraties incompétentes. les reproductions de livres interdits ne remplacèrent pas les originaux. Et celui qui était à l’étranger et qui ne voulait pas poursuiivre ces discours répétitifs, ne comprenait rien des procédés esthétiques à l’intérieur des ces empires murés. lorsque furent à nouveau permis les voyages dans l’autre monde pour les écrivains et les artistes, cela fut le preemier pas vers 1’« infarctus » du socialisme totalitaire. Celui qui revenait derrière le Rideau de Fer avait de bonnes pensées de l’ouest dans ses bagages, ce qu’aucun garde-frontière ne pouvait confisquer, et il souffrait du provincialisme politique décrété. Sans exception, le mécontentement résultant de cela, avec l’immobilité, amena des mouvements décisifs, au début dans les états socialistes, ensuite dans la vaste masse des populations. Celui qui empêche les voyages par la force ou bien par la loi, se voit comme quelqu’un qui blesse un des droits de l’homme. Celui qui, ensuite, les permet à nouveau, ouvre les vannes d’un lac de retenue.
Jürgen Weichard