Fabienne Tronche-Bézy

Après « Passion Colette » et « Texere » Fabienne Tronche-Bézy a choisi de se livrer autrement, tout en questionnant avec la même force le sens profond de son engagement plastique. Elle semble laisser en repos ses anciennes pistes de réflexion et vouloir nous faire découvrir un autre elle-même. Période clé dans la vie d’un artiste: comment créer en restant fidèle à ses valeurs et à sa personnalité, tout en explorant d’autres voies? Qu’est-ce qui s’efface avec le temps et qu’est-ce qui reste, immuablement?

Les peintures sur toile Cirée ne sont pas sans rappeler celles de « Texere », mais on y observe que la matière prend le pas sur le figuratif, ne dévoilant au final que des regards qui touchent au plus profond.

Les sculptures textiles – l 8 femmes et 2 hommes – baptisées par elle « L’armée des femmes objets – les copines » incarne étrangement ces corps de femmes dans ce qu’elles ont de plus ordinaire et fixe cette permanence de féminin, fondamentale pour elle.

On observe ici le résultat de l’acte créatif, on nous en montre les étapes, sans rien dissimuler. La chair est à l’état brut, mais l’émotion est à fleur de peau dans cet « entre deux » de l’essai et de la maitrise où curieusement les formes paraissent plus incisives, plus proches de nous. La matière, les disproportions, les couleurs les erreurs, tout participe à cette quête du vrai.

Ce vrai est parfois cité avec humour et autodérision, comme pour mieux donner de la distance aux choses sérieuses, un goût pour le doute qui manque tellement à notre époque empêtrée dans ses certitudes. Mais ce qui nous frappe toujours, c’est cette constance de la trace féminine qui continue de vivre dans tous les travaux de Fabienne Tronche-Bézy, la fidélité à ses convictions. Ses pièces questionnent notre regard et par là même nous invitent à la réflexion. Pas de lecture proposée, mais une volonté de témoigner, sans règle, sans chemin prédéfini. Ici réside toute sa modernité. Un art qui s’engage et donne à voir.

« Travailler au féminin» est une démarche si médiatisée et surexploitée qu’il est bon de se méfier des clichés pour ne viser que l’essentiel et le vrai. Un regard critique bien sûr, mais également un éloge de la beauté des corps, des visages, des formes, de leur détermination. Un témoignage de femme pour les femmes qui enfantent notre monde.

Ainsi, son art s’ouvre à toutes les interrogations et les incarne, des plus simples aux plus complexes.

Exercice subtil et délicat qui nous dévoile ses moments d’enthousiasme comme de doute créatif. Être entre deux états d’esprit, deux étapes déterminantes de la vie, cela résume formidablement bien l’essentiel de la nôtre. C’est un travail d’artiste authentique, entre essais et découvertes. Du naturel.

Flora Tronche