Milan Tucovic – Peintre

TUCOVIC ou la mélancolie de la vraie lumière

La lumière de Tucovic semble avoir cheminé comme celle des étoiles mais elle viendrait de l’Histoire, de ce temps des hommes dont les peuples ont oublié la singulière lenteur au profit du présent, ce pauvre artifice du photographe.

Tel est l’art de peindre en lumière morte de ce MaÎtre de la mélancolie ordinaire.

Le processus d’éclairement de l’image est à l’inverse de celui de Dali qui estompe de manière tout aussi apparente le corps du Christ de la Cène; peut têtre avait-il saisi un des futurs états super lumineux de l’instant de la résurrection ? Tucovic ne capture pas les formes dans l’instant et ne les renvoie pas aux avenirs célestes: ses figures sont une matérialisation transfigurée d’images de mémoires virtuelles.

Tout se passe comme si les fantômes avaient appris à se vêtir, sans excès gothiques, des oripeaux éphémères des hommes du siècle. Il en résulte un état d’étrangeté et de dépaysement qui nous happe comme la fée Hypnose, à notre insu, et révèle un non savoir. Nous sommes prisonniers des mondes sans reflets à l’intérieur d’un obiet de lumière creux, un pays du trop d’histoire devenu celui des apatrides. Un lieu sans oubli et sans histoire où désormais le présent se déteste.

Ce maÎtre est un homme complexe, ce n’est pas un homme de douleur. Ses personnages peints semblent avoir renoncé à toute posture. Leurs yeux ouverts le sont de face pour s’attarder à notre sentiment ou bien dans une oblique de résignation, celle du malheur de vivre dans le siècle. En fait ces apatrides du passé immédiat nous regardent avec le poids pesant d’un singulier regard par dessus leurs épaules. Ils sont vrais dans leur mélancolie ordinaire et nous convient à une ancienne réalité à la fois triste et transfigurée. Face à de tels tableaux, les Imaginaires, c’est nous !

Robert-L. Liris