René Jean Clot – Peintre

L’œuvre de René-Jean Clot est, dans son ensemble, un immense regard où l’œil craquelé émerge du chaos entre la croûte et la chair et regarde avec une inquiétante désespérance. Cet œil omniprésent des hantises affleure partout derrière les formes et les visages, au point, parfois, de les composer comme dans L’Homme aux yeux fixes (1969), dans Chimères (1970), et dans tant d’autres œuvres.

Le titre d’une toile Un homme se souvient (1969), pourrait être celui d’une vision où la conscience émerge d’une nuit terrible et porte en elle l’infinie souffrance de la mise au monde à travers la glaise immortelle des temps. Ce pourrait être aussi le visage décapé des formes vivantes qui, en se dissolvant dans la mort, regardent avec effroi et étonnement l’autre monde.

Ainsi, j’ai beau regarder, je suis vu, j’ai beau être vu, je vais encore regarder ce point de fixité qui me réfléchit… Et si je ne ferme pas les yeux, si je ne renonce pas à l’instant, le vertige va me saisir, et la rage de ce vertige : je vais passer outre et casser le fragile miroir de l’œil, des choses, de la réalité, je vais fendre les eaux, ou me jeter dans le tourbillon de ces eaux. J’ai voulu 1e regarder, et je suis pris au piège …

Désormais, je descends dans les profondeurs et j’accrois ma chute en raison de ma peur, je glisse dans les eaux tourmentées, je n’ai pour tout appui que cette peur qui est mon boulet, je m’appuie sur ce qui me tue, je ne puis faire autrement que d’épouser cette épouvante, et sans doute jamais je ne reviendrai au monde. Tout à coup, j’ouvre les yeux et la lumière efface tout. Ce n’était donc que cela ? Peur, vision ou réalité?

M.R.